Une pièce de
Shakespeare parmi les plus célèbres, trente-six représentations en juillet et
août et treize comédiens sur le plateau, dont Philippe Torreton dans le
rôle-titre et Catherine Salviat, sociétaire de la Comédie Française ! Avec
Hamlet, mis en scène par Jean-Luc
Revol, Grignan poursuit son histoire d’amour avec le théâtre populaire. Comme
un clin d’œil au festival d’Avignon ?
Avec
30 000 entrées enregistrées l’année dernière pour Le Roi s’amuse, de Victor Hugo, les Fête Nocturnes semblent avoir
trouvé leur public. Un public sensible au plaisir simple du théâtre, celui que
peuvent procurer par une nuit étoilée des comédiens faisant vivre un grand
texte, celui de spectateurs emportés par le souffle d’une histoire singulière, avec
ses personnages, ses sentiments, ses destins. Si certains regrettent qu’Avignon
s’apparente aujourd’hui à un laboratoire de création théâtrale, n’iraient-ils
pas retrouver l’esprit de Jean Vilar du côté de Grignan ? Toujours est-il
que Jean-Luc Revol et Philippe Torreton semblent partager avec le fondateur du
festival une même conception du théâtre populaire. « L’idée d’installer dans la durée et pour un large public cet incontournable
du répertoire dans ce magnifique lieu nous a séduit », précise le
comédien. Comme le résume Catherine Salviat, future reine du Danemark :
« Chaque acteur a envie de ce type d’aventure. »
Une vision
politique
L’aventure restituera donc La tragédie d’Hamlet, prince du Danemark, pièce que Shakespeare écrivit
pour le public populaire du théâtre élisabéthain. Il y mélange les genres, joue
avec l’humour, la trivialité et la bouffonnerie, jusqu’à faire surgir un
spectre qui crie vengeance. « Il
s’agissait bien autour des années 1600 de retenir l’attention des spectateurs,
de les divertir. Ce n’est pas vraiment une pièce métaphysique »,
souligne Philippe Torreton.
C’est d’ailleurs avec une tout autre vision que
Jean-Luc Revol a abordé le texte. Hamlet,
ou quand la suspicion, le meurtre et la trahison règnent à la cour du Danemark ;
l’amour et le romantisme bien peu. « J’ai préféré mettre l’accent sur l’aspect politique de la pièce. La
peur, au château d’Elseneur, ronge tout et la politique pèse sur chaque
sentiment. Les personnages en sont asphyxiés jusqu’à la folie. Tous se
surveillent et s’épient. Jusqu’au carnage final. Elseneur est une réduction du
mécanisme de la terreur. Une dictature miniature. » Une lecture que confirme
Philippe Torreton : « D’une
certaine façon, Hamlet se pose la question de la réponse au terrorisme : applique-t-on
la loi du talion, comme avec Ben Laden, qui n’a pas eu de procès ? Hamlet est
confronté à cela. Il est un jeune prince cultivé, et on lui demande de revenir au
Moyen-Âge, de ressortir son épée. » Ce que fera le comédien en
endossant pour la première fois de sa riche carrière le costume d’Hamlet, après
avoir déjà interprété la pièce dans le personnage de Laërte, une mise en scène
de Georges Lavaudant pour la Comédie Française, en 1994. Philippe Torreton n’a
pourtant aucun regret sur cette prise de rôle tardive : « Je suis très heureux de le faire aujourd'hui,
car il y a un état à trouver en scène dont je me sens enfin capable. Je vis mieux
le plateau, surtout quand j’y suis seul. Je peux dialoguer avec le public, et ne
plus seulement “balancer” la tirade. » Une raison supplémentaire, si
besoin était, pour courir découvrir cette version d’Hamlet tant elle excite la curiosité.
Renaud Bertoli
22 édition
des Fêtes Nocturnes, château de Grignan, Drôme : La Tragédie d’Hamlet,
prince du Danemark, de W. Shakespeare ;
du 1er juillet au 20 août 2011.
Paru dans Prosper, le
Magazine culturel, Vaucluse, Avignon, Drôme provençale, Alpilles. N° 26,
juillet, août, septembre 2011.
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