Avec le chorégraphe Boris
Charmatz comme artiste associé, et des têtes d’affiche comme Keersmaeker ou
Forsythe, le Festival d’Avignon s’affirme aussi comme un festival de danse.
Parallèlement, les Hivernales mettent leur notoriété au service de la jeune
création, et Vaison Danses place la rencontre des cultures au cœur de sa
programmation.
Avec pas
moins de 14 spectacles de danse dont deux à la Cour d’Honneur, des têtes
d’affiche, et pour artiste associé le chorégraphe Boris Charmatz, le Festival
d’Avignon s’affirme cet été plus que jamais comme un Festival de danse. On se
souvient que dans les pas de Vilar, il y eut Béjart, et que le temple du
théâtre fut très tôt un tremplin pour la danse contemporaine. Voilà pour la
légitimité. Depuis plusieurs années, Hortense Archambaud et Vincent Baudriller,
co-directeurs du « In », braquent les projecteurs sur une création
chorégraphique pleine de vitalité. Ce parti-pris a donné lieu à de vraies
découvertes. Impossible d’oublier l’année Nadj et l’époustouflant
« Paso doble » signé Nadj-Barcelo. Il a néanmoins ses détracteurs, et
l’arrivée du futur directeur Olivier Py s’annonce comme un retour au texte.
En
attendant, cet été Charmatz propose de « déplacer
les codes et les cadres habituels de la danse pour trouver des états de corps
intenses et inattendus ». Projet excitant, qui va mettre en mouvement
des professionnels, une spirale de 24 danseurs sur l’herbe du stade de
Bagatelle avec le public en cercle autour d’eux, mais aussi 27 enfants à la
Cour d’Honneur pour la création « Enfant ». Keersmaeker et sa
compagnie sont attendues avant l’aurore à la Cour pour un éveil de tous nos
sens à la danse, et au lycée St Joseph avec Fase, un monument de l’histoire
chorégraphique. Anne-Karine Lescop associera les enfants de Monclar à son
« petit projet de la matière », tandis que Thierry Thieu Niang invitera
des seniors non professionnels de Marseille à entrer dans la danse. Grande
figure novatrice, Forsythe revient à Avignon interroger le langage avec une
performance dont le principe, dit-il, est « l’agilité mentale ».
« A
Avignon, la danse c’est nous », lâche
Emmanuel Serafini, directeur des Hivernales. Ce mouvement né au cœur de
l’hiver s’est forgé au fil des ans une légitimité et un public averti. Les
têtes d’affiche sont dans le « In » ? Les Hivernales en
profitent pour mettre leur notoriété au service de la création émergente avec
l’aide des régions. Le cap est mis sur le grand sud européen et les arts
croisés, avec les Corses de la Cie Art Mouv ralliant les arts visuels et
sonores, l’Italien du Piémont Ninarello travaillant sur la peinture de Francis
Bacon, le Languedocien Bruno Pradet s’inspirant des photos d’E-J Marey. En
Rhône-Alpes, la Cie Chatha revisite la poésie de Mahmoud Darwich et Gaetano
Battezzato choisit Bergson comme compagnon de route. Paca invite Miguel Nosibor
figure de proue du hip hop, et Samir El Yamni, chorégraphe franco-marocain. Les
régions du sud ont choisi de mettre en lumière la créativité des nouvelles
générations « black-blanc-beur ».
La danse
fait des adeptes ? A Vaison, Philippe Noël, danseur et directeur
artistique, ne peut que s’en réjouir. Pour sa part, il creuse depuis quinze ans
le sillon d’un festival « avec des convictions fortes », qui
veut parler un langage universel. Le dialogue des cultures et l’accent mis sur
la jeune création sous-tendent cet été encore la programmation : dialogue
de deux « monstres sacrés » venus d’horizons différents, Sylvie
Guillem et Akram Khan, confrontation de hip hopers algériens avec le Bolero de
Ravel, ouverture à la création espagnole, aux arts du geste avec le nouveau
cirque du Vietnam, interrogation sur les origines avec Alvin Ailey…Vaison
Danses, le plus gros festival de Vaucluse après Avignon et les Chorégies, c’est
un exploit à la taille du lieu, ce théâtre antique où se pressent chaque soir
3 000 spectateurs, « dans une ville qui compte à peine 6 000
habitants ! ». Un petit miracle par lequel le public le plus large
entre en danses.
Carina Istre
Paru dans Prosper, le
Magazine culturel, Vaucluse, Avignon, Drôme provençale, Alpilles. N° 26,
juillet, août, septembre 2011.