Grignan, la recette d'un succès


Denis Marleau
photo : Stéphanie Jasmin

Comment réussir régulièrement le pari d'un spectacle qui marque ? S'il existait une recette, tout le monde l'appliquerait. Mais en ce qui concerne Grignan, il y a des impératifs et une procédure qui ont fait leurs preuves.
Comme chaque été depuis vingt-cinq ans, le château de Grignan organise un spectacle devant la magnifique façade Renaissance de la principale destinataire des lettres de Madame de Sévigné : sa fille Françoise, à la beauté – du temps de sa jeunesse – si éclatante que son cousin Roger de Bussy-Rabutin, de près de trente ans son aîné, crut utile de préciser que cette femme a de l'esprit, mais un esprit aigre, d'une gloire insupportable, et fera bien des sottises. Elle se fera autant d'ennemis que la mère s'est fait d'amis et d'adorateurs.

Le problème des responsables de la programmation des spectacles du lieu est finalement assez agréable : comment faire encore plus d'entrées que l'année précédente alors que les pièces qui y sont données sont régulièrement des triomphes. Le Roi s'amuse a ainsi enregistré trente mille entrées et Hamlet, l'an dernier, a également été un réel succès.
Laure Descamps, directrice culturelle du département de la Drôme, disait, à trois mois de la première, c'est à dire quand tout est décidé mais que rien de concret n'est encore réalisé, qu'il y a une constante qui s'affirme de plus en plus : l'exigence d'une grande qualité artistique tout en maintenant le souci d'un théâtre accessible et populaire. Autre impératif, mais tout aussi incontrôlable a priori que les autres : mettre en valeur la façade du château. On sait comment il a été traité pour Le Roi s'amuse, avec un décor qui en masquait une bonne partie...
Stéphanie Jasmin,
 assistante de Denis Marleau,
les Femmes Savantes, Grignan.
Photo : Gabor Szilasi

Ces prémisses étant posées la direction artistique du château attend les propositions. Parfois des artistes qu'elle aimerait voir venir n'en font pas, parfois des inconnus envoient des projets... Vient alors le moment du choix, et l'intérêt pour le metteur en scène que son travail soit connu jusqu'à Grignan.
C'est le cas de Denis Marleau, metteur en scène québécois qui travaille tellement dans la mouvance du théâtre contemporain qu'il n'a jamais monté ni une pièce classique en vers ni Molière. Il a pourtant voulu faire un clin d'œil à la célèbre épistolière en choisissant Les Femmes savantes. Non pas, explique-t-il qu'il veuille se moquer de ces femmes qui au Grand Siècle comme dans les années 1950 – de Bardot à Sagan – eurent une réelle influence dans les domaines de l'éducation et de la culture, jusqu'à faire basculer la société dans une autre ère culturelle, mais plutôt de celles qui les singent.
Si ce détour par les femmes qui préparèrent 68 – et au Québec la Révolution tranquille, cette décennie des années 60 durant laquelle s'effondrèrent en même temps l'influence de l'Église dans les familles et le taux de natalité – lui permet d'aborder la pièce comme n'importe quel texte contemporain, il n'en reste pas moins prudent. En effet, parmi les comédiens de son équipe, il en a choisi plusieurs qui ont déjà travaillé le répertoire français, voire même précisément Les Femmes savantes...
Mais on le sent réticent à en dire plus, et il finit par expliquer que les répétitions n'étant pas encore terminées, rien n'est définitif. Car il fait aussi  partie de ces metteurs en scène qui remettent leur travail sur le métier jusqu'à la dernière minute.
Château de Grignan, les Fêtes nocturnes. « les Femmes savantes », de Molière, mise en scène de Denis Marleau, du 28 juin au 18 août. Réservation :  04 75 91 83 65, www.ladrome.fr. Attention la pièce n'est pas données tous les jours !

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